La naissance de Julie

TEMOIGNAGE

« Ma fille… c’est par un beau samedi matin d’hiver, le 14 janvier 2006, que tu es venue au monde… sans violence… tout doucement… chez nous… « 

Tout a commencé il y a 9 mois, au début du mois de mai… 9 mois pendant lesquels nous nous sommes préparés à sa naissance, 9 mois de cheminement dans mon corps et dans mon coeur…

Et me voilà, au début du mois de janvier, au plus froid de l’hiver, à l’attendre, chaque jour un peu plus, parfois avec angoisse, parfois avec sérénité…
Ai-je fait le bon choix… d’accoucher à domicile ? J’ai eu ce doute jusqu’au bout, jusqu’au moment où je ne pouvais plus reculer et que ça y est, c’était parti, c’était choisi, impossible de revenir en arrière !

Et te voilà ma fille, plus tôt que prévu, dans cette 2ème semaine de janvier…

Tout commence le lundi 09 janvier, avec quelques contractions fugaces au cinéma…
Cela se poursuit le mardi 10, de manière un peu plus présente, ce ne sont pas exactement des contractions, mais une douleur lancinante dans les reins puis dans le bas du ventre… Je ne m’affole pas plus que cela, mais cela me semble étrange que parfois cela s’intensifie pendant quelques minutes, puis plus rien… un peu comme les douleurs des règles…
Mercredi se passe de la même manière, puis jeudi… au cours de yoga prénatal, j’en parle à la sage-femme qui me dit que c’est normal, que ce sont des contractions de « pré-travail » qui vont et viennent durant le 9ème mois, et que de toutes façons ce ne sont pas des « vraies » contractions de travail, qui elles, sont carrément dans l’utérus… les autres femmes présentes me disent qu’elles aussi, cela leur arrive fréquemment… je ne m’inquiète donc pas plus !
Jeudi soir arrive, et nous allons manger chez des amis. Ces fameuses contractions, ou douleurs, sont toujours présentes, et durent maintenant une minute ou deux, et me semblent régulièrement espacées… pendant le repas je ne fais mine de rien ! Nous rentrons à la maison, et là, nuit blanche, je chronomètre les contractions : elles durent une minute, toutes les quinze minutes. C’est vraiment douloureux. Avec Laurent, mon mari, nous hésitons à appeler la sage-femme qui nous suit et qui « nous accouchera » à domicile. Je préfère attendre le matin… dans la douleur et l’insomnie !
8h arrive, je n’ai rien dormi, j’appelle Pétra, ma sage-femme, qui me propose une consultation dans la matinée.

Lorsqu’elle m’examine, elle me dit que le bébé est descendu dans le bassin grâce à ces contractions de « pré-travail », mais que le col est toujours fermé… Elle me dit que l’accouchement peut très bien être pour ce week-end comme pour la semaine prochaine ! Soit le travail se met en route, soit il se suspend… Elle me conseille donc d’aller me promener, il fait un temps magnifique, un beau soleil de janvier a levé toutes les brumes qui s’accrochaient aux montagnes depuis début janvier…
Avec Laurent, nous partons pour une ballade, j’ai envie d’aller manger des frites dans un kebab mais les contractions qui m’obligent à m’arrêter tous les quarts d’heure et à me suspendre au premier poteau venu m’en dissuadent ! Après une demi-heure, nous rentrons donc à la maison… Je suis fatiguée et je n’en peux plus. J’essaye de m’allonger mais c’est douloureux… je n’arrive pas à appliquer ce que j’ai pratiqué en cours de yoga, c’est-à-dire la respiration, le son ou la visualisation-détente pour gérer la douleur… je ne me vois pas passer une nouvelle nuit blanche ! Je rappelle ma sage-femme, qui me conseille de prendre un bain de sauge et de consoude si je veux accélérer le travail et faire en sorte que les contractions soient efficaces… elle me dit de la tenir au courant et de la rappeler vers 20h.

Sur ce, ma mère arrive et me trouve en pleines contractions ! Je me fait couler un bain et y jette une brassée de sauge… à partir de là, tout s’accélère, il est 20h, je ne me rends pas compte que les contractions, que chronomètre ma mère, à qui j’ai demandé de rester, sont de plus en plus rapprochées… je suis dans le bain et dans la douleur !
Enfin Laurent appelle Pétra, qui va arriver 1h plus tard… il est 22h30 : elle m’examine : je suis à dilatation complète ! C’est donc pour maintenant… je ne maîtrise plus rien, je suis nue, secouée par les contractions… en quelques instants, l’appartement est transformé : le salon est devenu notre lieu d’accouchement, avec plastiques au sol, lit déplié, tabouret d’accouchement… je « plonge » à l’intérieur de moi… Laurent est auprès de moi, ma mère aussi, je m’accroche à eux, je commence à pousser, c’est déjà le temps de l’expulsion ! Qui va durer plus de 2h…
Pétra gère le travail, je passe successivement du tabouret au lit, à genoux, entourée de ma mère et de Laurent, qui respirent avec moi, ça y est, la respiration de la vague qu’on a appris en yoga est là, Laurent me fait faire des « Oooom », nous le faison à trois… Pétra m’encourage à pousser de plus en plus à chaque contraction ! Je n’aurais pas cru mon corps capable de tout cela ! J’oublie la douleur, ou plutôt, celle-ci m’aide, elle est presque positive, bonne, je sens mon corps s’ouvrir, le bébé pèse sur le coccyx, j’ai envie de pousser ! Et je me mets à crier comme jamais (les voisins s’en souviendront !), drôles de hurlements, de gémissements presque primitifs, comme si je revenais à mon état sauvage… !
Ces cris sont libératoires… je mords le doigt de Laurent, cela m’aide à pousser… !
Le temps est suspendu, je ne sens que moi, dans la lumière, dans mon corps, dans la douleur…
Je me sens dans une sorte d’étourdissement, comme si je m’élevais… Je naîs à moi-même.
Je panique dès que Laurent, ma mère ou la sage-femme s’éloigne, je veux qu’ils soient auprès de moi, en permanence… ils me font des compresses chaudes sur le périnée et le sacrum, qui me soulagent. Puis Pétra soudain me dit d’accélerer, qu’il est temps que je fasse naître mon bébé, qu’il est temps que je le lâche, que je le laisse sortir… ! Il est minuit moins le quart et je ne veux pas qu’il naisse un vendredi 13 ! Les contractions se relâchent et sont donc moins fortes… je commence à désespérer !
Je sens sa tête qui fait des va-et-vient, près de la sortie. Minuit est dépassé, nous sommes donc le 14 janvier !
Puis soudain je sens la tête de mon bébé enserrée dans mon périnée, Pétra me fait coucher sur le côté, une jambe sur son épaule, et mon enfant naît…
Et Julie, toi mon enfant, toi ma beauté, tu viens au monde chez nous, dans notre foyer…
Pétra te pose tout contre moi et nous faisons connaissance, toi dans un premier cri moi dans mes premiers pleurs de mère enfin née ! Je suis surprise : tu es une petite fille ! J’étais persuadée tout au long de ma grossesse d’attendre un garçon ! Mais je suis tout aussi heureuse ! Le placenta sortira tout doucement une heure plus tard… c’est ton papa qui coupera le cordon. Tu es pesée dans une balance de poissonnier (portative !) : 3kg 090 ma fille !
Pétra m’examine : je n’ai aucune déchirure, tout au plus quelques éraillures…
Elle félicite Laurent d’avoir massé régulièrement mon périnée durant ces dernière semaines !
Je me relève, encore sous l’effet des hormones, pour une petite douche et une collation avec Laurent et ma mère, il est 5h… Pétra est déjà repartie : elle reviendra nous voir le lendemain !
Notre fille est née : elle passe sa première nuit dans notre lit, nue dans son drap de bain, tout contre nous…
Nous avons accédé à une autre dimension ! Ma mère me dira quelques jours plus tard que je lui ai fait le plus cadeau du monde en lui permettant d’assister à mon accouchement !
Quelque part j’ai réparé son propre accouchement, difficile, ma propre naissance !
Nous vivons la semaine qui suit chargée d’émotions : notre fille est là, nous sommes parents !

J’ai eu l’accouchement que je souhaitais : à la maison. Un accouchement où tout s’est bien passé. Une belle naissance… nous avons accueilli notre fille simplement… je voudrais par ce témoignage encourager toutes les futures mères qui ont choisi d’accoucher à la maison ! Nous devons beaucoup à notre sage-femme, présente et professionnelle, qui nous a accompagné durant ces 9 mois et qui a accueilli notre fille dans la douceur.
Nous devons beaucoup à nous-même… à nos convictions que nous avons sues garder malgré les doutes.
Nous devons beaucoup à notre fille, qui a participé activement à sa naissance !
Je dédie ce témoignage à ma mère, qui m’a mise au monde, à ma fille qui plus tard à son tour transmettra la Vie, à toutes les femmes qui accouchent et donnent la Vie, dans la joie et dans l’Amour.

Corinne